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HUDSON TAYLOR

1832 – 1905

James Hudson Taylor

Dans l’année 1854, un bateau naviguant en mer fut arrêté au voisinage de la Nouvelle Guinée. Voyant la détresse qui se lisait sur le visage du capitaine alors qu’il scrutait attentivement la mer, un jeune Anglais lui demanda la raison de son inquiétude. Voici ce qui fut sa réponse : “Un courant à quatre nœuds nous entraîne rapidement vers quelques récifs submergés là-bas. Notre destin semble être scellé.” Sur les rivages de l’île, les cannibales couraient ici et là et allumaient des feux dans une grande jubilation. Puis, le capitaine parla de nouveau : “Nous avons fait tout ce qui peut être fait.” “Non,” répondit le jeune homme, “il y a une chose que nous n’avons pas faite. Quatre d’entre nous à bord sont chrétiens. Laissez chacun d’entre nous se retirer dans sa cabine, afin que, dans l’unité de la prière, il demande au Seigneur de nous donner une brise immédiatement.” Il en fut convenu et fait ainsi. Après quelques minutes d’intercession fervente, le jeune homme retourna sur le pont confiant dans le fait que sa requête lui avait été accordée. En trouvant le premier officier, un homme impie, en service, il lui demanda de déployer la grande voile. “A quoi bon cela servirait-il?” demanda-t-il. Le jeune homme lui dit que lui et trois autres avaient demandé à Dieu d’envoyer un vent, que celui-ci allait venir sur le champ et qu’il n’y avait pas une minute à perdre, puisqu’ils étaient également près des récifs. Avec un regard de mépris, l’officier répondit avec un juron : “Idiotie! C’est impossible de prier pour que le vent se lève.” Remarquant quelques instants plus tard que la plus haute voile commençait à trembler, il dit : “C’est seulement une patte de chat – une simple bouffée de vent.” “Ne faîtes pas attention à ce que vous pensez,” cria le jeune homme. “Déployez la grande voile rapidement.”

Il ne lui fallut pas beaucoup de temps pour se mettre à l’ouvrage. En entendant le lourd pas des hommes sur le pont, le capitaine jeta un coup d’œil de sa cabine et vit que la brise était en effet venue. En quelques minutes, ils s’éloignèrent des dangereux récifs, à la grande déception des cannibales indigènes qui étaient sur la plage.

En écrivant sur ces choses et sur des expériences semblables, le jeune homme dit: “Ainsi Dieu m’encourageait, jusqu’à notre débarquement sur les rivages de Chine, à Lui apporter chaque besoin spécifique dans la prière et à m’attendre à ce qu’Il honore le nom du Seigneur Jésus et accorde Son aide toutes les fois où une situation d’urgence l’exige”.

James Hudson Taylor naquit à Barnsley, en Angleterre, le 21 mai 1832. Il eut le privilège d’être né dans une maison véritablement pieuse. Le ciel l’entourait durant son enfance. Il le voyait dans la foi de son père et dans les prières de sa mère. Bien même avant sa naissance, ses parents l’avaient consacré à Dieu et avaient prié pour qu’il devînt missionnaire en Chine, quoique cette information lui eût été cachée longtemps après qu’il ait atteint ce pays. Malgré le pieux exemple et l’enseignement de ses parents, Hudson devint un jeune homme sceptique et mondain. Il commença à penser que, pour cette raison ou pour une autre, il ne pouvait pas être sauvé et que la seule chose qu’il pût faire, c’était de se remplir de ce monde-ci, puisqu’il n’y avait aucun espoir pour lui dans l’autre.

La conversion de Hudson Taylor, comme toutes les autres choses dans sa vie, est un monument dressé en l’honneur de la puissance de la prière. Quand il eut environ dix-sept ans, il se rendit un après-midi à la bibliothèque de son père à la recherche d’un livre avec lequel il pourrait passer le temps. Finalement il prit un tract évangélique qui lui semblait intéressant, se disant à lui-même : “Il y aura une histoire au début et un sermon à la fin. Je lirai la première chose et sauterai la deuxième”. Il n’avait aucune idée de ce qui allait se passer au même moment dans le cœur de sa mère, qui était sortie faire une visite à 100 ou 120 kilomètres de là. Ce même après-midi, elle alla dans sa chambre soupirant intensément après la conversion de son fils, ferma la porte à clé et se résolut à ne pas quitter l’endroit jusqu’à ce que ses prières fussent exaucées. Heure après heure, elle continua à supplier, jusqu’à ce qu’à force elle se relevât avec l’heureuse assurance que l’objet de ses prières avait déjà été accompli.

Pendant ce temps, au cours de sa lecture du tract, Hudson s’était heurté contre l’expression : “l’œuvre achevée de Christ”. En se remémorant ces mots : “Tout est achevé”, il souleva la question : “Qu’est-ce qui a été achevé ?” Il répondit immédiatement : “Une expiation et une satisfaction pleines et parfaites pour le péché. La dette a été payée par le Substitut. Christ est mort pour nos péchés et pas pour les nôtres seulement, mais aussi pour les péchés du monde entier”. Vint ensuite la pensée : “Si l’œuvre a été entièrement achevée et la dette entièrement payée, qu’est-ce qu’il me reste à faire ?” Vint alors la réalisation bénie qu’il n’y avait rien au monde à faire, sinon plier les genoux dans la prière, et dans la foi accepter le salut acquis par Christ. “Ainsi”, dit Hudson, “tandis que ma chère mère louait Dieu sur ses genoux dans sa chambre, je Le louais dans le vieil entrepôt où j’étais parti seul pour lire à mon loisir ce petit livre”.

Plusieurs jours plus tard, il raconta à sa sœur sa joie de fraîche date en Christ et réussit à obtenir d’elle la promesse qu’elle n’en parlerait à personne. Quand la mère retourna à la maison une quinzaine de jours plus tard, il la rencontra à la porte et lui dit qu’il avait des bonnes nouvelles à lui annoncer. Ecrivant de nombreuses années plus tard, Hudson Taylor dit : “Je peux presque sentir les bras de cette chère mère autour de mon cou, alors qu’elle me pressait sur sa poitrine et dit : Je sais, mon garçon. Je me suis réjouie pendant une quinzaine de jours des heureuses nouvelles que tu allais me dire. Amelia a rompu sa promesse ? demandai-je surpris ? Elle m’a dit qu’elle ne le dirait à personne. Ma chère mère m’assura que ce n’était d’aucune source humaine qu’elle avait appris les nouvelles et continua en racontant l’incident mentionné ci-dessus.

Tandis que la mère, bien loin de lui, priait dans la foi pour qu’il pût ce même jour entrer dans l’expérience du salut, il goûta en réalité à sa félicité, ayant compris qu’il ne lui restait rien à faire sinon se saisir de l’œuvre accomplie du Calvaire, par la foi croyant, dans la prière recevant. La mère et le fils lançaient de la même façon leur ancre dans la promesse de Jean 14.13: “Tout ce que vous demanderez en Mon nom, Je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils”. Ce texte lui était précieux, parce que ce dernier avait mené tout d’abord son âme polluée, et ensuite sa personne même, jusqu’à la fontaine purifiante du Calvaire.

Au bout de quelques mois, le jeune Taylor commença à sentir un grand sentiment d’insatisfaction vis-à-vis de son état spirituel. Son “premier amour” et son ardeur pour les âmes étaient devenus froids et il n’avait pas la victoire sur le péché. Il ne doutait pas de sa conversion, mais il était convaincu, par sa connaissance des Saintes Ecritures et par la vie de certains chrétiens remarquables, qu’une expérience plus profonde de la bénédiction divine pourrait être sa part. Il ne pouvait se satisfaire de rien de moins que du meilleur, le meilleur de Dieu. Comment pourrait-il l’obtenir ? Il pensa au texte qui était apparu flamboyant tout au long de son sentier à chaque heure de besoin et de grande décision : “Tout ce que vous demanderez en Mon nom, Je le ferai”. Il croyait que le salut ressemble “au miel du rocher” – au miel à cause de sa douceur, au rocher à cause de sa force. Par la prière, il était entré dans la douceur du salut. Par la prière, il cherchait maintenant la force du salut. Animé par des aspirations profondes, il se retira un après-midi afin d’être seul avec Dieu.

“Je me souviens bien” dit-il, “comment j’ai répandu mon âme devant Dieu. Confessant à maintes reprises mon amour plein de reconnaissance à Son égard, Lui qui avait tout fait pour moi… je L’ai prié de me donner une quelconque œuvre à accomplir pour Lui comme une conséquence de mon amour et de ma gratitude… Je me souviens bien, alors que je me suis moi-même placé, -ma vie, tout de moi- sur l’autel, de la solennité profonde qui est venue sur mon âme avec l’assurance que mon offrande avait été acceptée… Une conscience profonde que je ne m’appartenais pas a pris possession de moi”. Ayant fait l’acte de la grande reddition, il était prêt à entendre la voix de son Seigneur prononcer les mots : “Qui ira pour Moi en Chine ?” Et lui de répondre : “J’irai, envoie-moi”. Immédiatement, il commença à se préparer à la vigoureuse vie de pionnier. Il effectua plus d’exercices en plein air et échangea son lit de plumes contre un dur matelas. Régulièrement, chaque semaine, il distribua des tracts et tint des réunions dans des maisons de campagne. À l’aide d’un exemplaire de l’Évangile de Luc en dialecte mandarin, il commença à étudier la langue chinoise.

Hudson Taylor à 21 ans

Un jour, il rendit visite au ministre de l’Eglise Congrégationnelle et lui demanda s’il pouvait lui emprunter son exemplaire du livre “La Chine” de Medhurst, lui expliquant que Dieu l’avait appelé à Le servir comme missionnaire dans ce pays. “Et comment comptez-vous aller là-bas ?” demanda le ministre. Taylor répondit qu’il ne savait pas mais selon toute probabilité, il irait de l’avant comme le firent les Douze et les Soixante-dix, comptant uniquement sur Celui qui l’envoyait et qui pourvoirait à tous ses besoins. Plaçant sa main sur l’épaule du garçon, le ministre répondit : “Oh, mon garçon, lorsque tu grandiras, tu deviendras plus sage que cela. Une telle idée marcherait à l’époque où Christ Lui-même était sur la terre, mais pas de nos jours”. Puisque tout de lui était sur l’autel, Taylor pouvait dire : “Dieu et Dieu seul est mon espoir et je n’ai besoin de personne d’autre”.

Le jeune Taylor commença à étudier la médecine ainsi que le grec, l’hébreu et le latin. Il avait compris, néanmoins, que la préparation la plus importante de toutes devait avoir lieu dans le domaine de sa propre âme. En Chine, il allait devoir dépendre tout à fait de son Seigneur pour toutes choses – sa protection, la provision à ses besoins. Par crainte de subir plus tard un échec malheureux, il décida de mettre à l’épreuve à fond la promesse du Sauveur : “Tout ce que vous demanderez en Mon nom, Je le ferai”. Il résolut d’apprendre, comme il le dit, “avant de quitter l’Angleterre, de toucher l’homme, par Dieu, par la prière seule”.

Il fit la tentative dans une situation spécifique touchant à son salaire. Son employeur avait demandé à Hudson de lui rappeler chaque fois le moment où son salaire lui était dû, ce qu’il décida de ne pas faire selon la tradition habituelle. Au lieu de cela, il abandonna complètement tout dans les mains du Seigneur. Alors qu’il continuait à prier sérieusement sur cette question, le temps du paiement d’un quart de son salaire arriva. En contrôlant ses comptes un samedi soir, il vit qu’il se trouvait dans la situation de posséder seulement une pièce de monnaie restante – une pièce d’une demi-couronne. A dix heures environ, dans la nuit du dimanche à lundi, alors qu’il effectuait un travail d’évangélisation dans diverses pensions, un homme pauvre lui demanda d’aller prier avec sa femme qui se mourait. Il fut conduit à descendre dans une cour et à monter un affreux escalier, pour pénétrer dans une pièce misérable. Quelle vue pathétique se présentait là devant lui ! Quatre ou cinq enfants se tenaient debout autour de lui, leurs joues et leurs tempes creuses retraçaient incontestablement l’histoire de leur lente famine ; et sur une misérable palette, était couchée une mère au regard affligé avec un enfant en bas âge gémissant à ses côtés. “Oh”, pensa Taylor, “si j’avais deux shillings et six pence, au lieu d’une demi-couronne, combien ils seraient heureux de recevoir 1 shilling et six pence”. Il était prêt à leur donner une partie de ce qu’il avait, mais pas la pièce de monnaie entière. Il chercha à les consoler en disant que malgré l’affliction qu’ils vivaient dans leur situation, il y avait un Père plein de bonté et d’amour qui les observait depuis le Ciel. Mais quelque chose en lui s’écria: “Hypocrite que tu es ! Tu parles à ces gens non convertis d’un Père plein de bonté et d’amour dans le Ciel et tu n’es pas prêt toi-même à Lui faire confiance sans la demi-couronne”.

Il se sentait maintenant très malheureux. Si sa pièce de monnaie avait été seulement changée, il donnerait volontiers un florin et garderait seulement les six pence restants. Mais il n’était pas encore prêt à avoir confiance en Dieu seul, sans les six pence. Incapable de continuer la conversation, il dit à l’homme : “Vous m’avez demandé de venir prier avec votre femme. Prions”. Il s’agenouilla, mais à peine avait-il dit : “Notre Père,” qu’il entendit une voix prononcer ces paroles : “Oses-tu railler Dieu ? Oses-tu t’agenouiller et l’appeler Père avec cette demi-couronne dans ta poche ?” La prière terminée, il se leva.

“J’ai mis la main dans ma poche,” dit-il, “et lentement, faisant sortir la demi-couronne, l’ai donnée à l’homme, lui disant que cela pourrait sembler une affaire facile pour moi que de les soulager, parce qu’il voyait que j’étais relativement aisé, mais qu’en me séparant de cette pièce de monnaie je lui donnais tout ce que j’avais; mais la chose même que j’avais essayé de leur dire était en effet vraie – Dieu est vraiment un Père et l’on peut avoir confiance en Lui. Et quelle joie m’était-elle revenue comme de grosses vagues indondant mon cœur ! Non seulement la vie de la pauvre femme fut sauvée, mais ma vie aussi avait été sauvée”. Il était convaincu que l’argent ainsi donné au nom de Christ était un prêt que Dieu rembourserait.

Il rentra chez lui le cœur heureux, et avant de se coucher, il demanda au Seigneur que son prêt ne fût pas trop long ou sinon il n’aurait rien à manger le jour d’après. Tôt le lendemain matin, il entendit le facteur frapper à la porte. Il ne recevait presque jamais de lettres le lundi matin, d’où son étonnement de voir entrer la propriétaire avec une lettre à la main. En ouvrant l’enveloppe, il trouva une feuille de papier blanc et un demi-souverain. “Loué soit le Seigneur !” s’exclama-t-il. “Quatre cent pour cent pour un investissement de douze heures !” Il apprit séance tenante que la banque du Ciel est toujours sûre et paye de bons dividendes.

Sa foi dans la puissance de la prière fut énormément affermie, mais au bout de deux semaines, son argent fut dépensé et son employeur ne s’était toujours pas rappelé qu’il devait lui payer son salaire. Il consacra beaucoup de temps à lutter avec Dieu dans la prière. Samedi soir, sa propriétaire allait s’attendre à être payée. A environ cinq heures, cet après-midi là, le docteur Hardey vint le trouver et lui dit : “À propos, Taylor, est-ce que je ne vous dois pas votre salaire de nouveau ?” Informé qu’il lui devait son salaire et que ce dernier était en retard de paiement, le docteur exprima le regret de ce qu’il n’y avait pas pensé plus tôt, car, dit-il, “cet après-midi à peine j’ai envoyé tout l’argent que j’avais à la banque. Autrement, je vous aurais payé immédiatement”.

Profondément déçu, quoique se gardant soigneusement de le faire savoir à son employeur, Taylor se rendit dans un endroit calme et déversa son cœur devant le Seigneur. A environ dix heures, le soir même, le docteur Hardey apparut, riant chaleureusement. “Une chose étrange m’est arrivée à l’heure même,” lança-t-il. “Un de mes patients les plus riches s’est senti obligé de venir chez moi à dix heures la nuit pour payer sa facture, au lieu d’envoyer un chèque selon son habitude. Très étrange !” Après avoir crédité le paiement dans le grand livre, le docteur était sur le point de partir, quand soudainement il tendit au jeune Taylor plusieurs des billets de banque en lui disant : “A propos, vous pourriez aussi prendre ces billets comme paiement de votre salaire”. “De nouveau il ne me restait plus”, conclut Taylor en rapportant cet incident, “mes sentiments n’ayant pas été découverts, qu’à retourner à ma petite chambre pour louer le Seigneur avec un cœur joyeux de ce qu’après tout il était possible que j’aille en Chine”.

Ces derniers mots – “après tout il était possible que j’aille en Chine” – révélait l’obsession dévorante au fond de son être. Après des études de médecine plus poussées à Londres, il accepta la nomination en tant que missionnaire sous la tutelle de la Société d’Evangélisation de la Chine et embarqua le 19 septembre 1853. Après un voyage tumultueux et après que le bateau à deux occasions fut à quelques pas de la destruction, il atteignit Shanghai sans encombres le 1er mars 1854.

Enfin en Chine ! Il n’était pas là pour se refaire une santé ni pour une partie de plaisir, mais comme ambassadeur de Christ. Il se plongea dans l’étude de la langue, dans laquelle il avait fait un certain progrès en Angleterre et sur le bateau. Maintenant qu’il était très intimement en prise avec l’idolâtrie et la superstition, il était presque écrasé par l’énormité de l’entreprise à laquelle il s’était engagé. Durant de nombreux de mois, il parla et prêcha sans observer un seul signe de résultats. Que devait-il faire pour obtenir le succès dans ses efforts ? De nouveau, Jean 14:13 vint à son secours.

Hudson Taylor vivait dans la pauvreté à Drainside.

Résidence du Dr Hardey à Kingston upon Hull

Alors qu’il voyageait en bateau un jour, Taylor entra en conversation avec un Chinois qui avait une fois visité l’Angleterre, où il se rendit sous le nom de Peter. L’homme écouta attentivement la présentation que fit le missionnaire de l’amour salvateur du Christ, et fut même touché jusqu’aux larmes, mais il refusa d’accepter sur le champ l’offre du salut. Un peu plus tard, de toute évidence dans un accès de grand découragement, Peter sauta dans la mer et s’enfonça. Dans un suspense agonisant, Taylor rechercha de l’assistance dans les parages et aperçut tout près une barque de pêcheurs avec un filet pourvu de crochets. “Venez !” cria Taylor aux pêcheurs. “Lancez le filet à cet endroit. Un homme est tombé ici et est en train de se noyer !” “Ce n’est pas commode,” fut la réponse insensible. “Ne parlez pas de commodité !” cria le missionnaire. “Un homme se noie”. “Nous sommes occupés à pêcher et ne pouvons pas venir”, répondirent-ils.

Quand Taylor insista vivement pour qu’ils vinssent immédiatement en leur proposant de les payer, ils exigèrent de savoir combien. Son offre de cinq dollars fut repousée. Il dit alors : “S’il vous plaît, venez vite et je vous donnerai tout l’argent que j’ai – environ quatorze dollars”. Finalement, le bateau fut amené et les crochets jetés dans la mer. Il fallut moins d’une minute pour remonter le corps mais tous les efforts de réanimation échouèrent. La vie était éteinte.

Pour Taylor Hudson, cet incident était profondément triste en lui-même et pathétique dans sa signification comme parabole. Est-ce que ces pêcheurs n’étaient pas coupables de la mort du Chinois, dans la mesure où ils avaient l’opportunité et le moyen de le sauver, mais avaient refusé de les utiliser ? Plus que certainement ils étaient coupables. “Et pourtant”, dit Taylor, “interrompons-nous un instant avant de prononcer un jugement contre eux, de peur d’un jugement plus grand que celui donné dans la réponse de Nathan : Tu es cet homme. Est-ce que c’est une chose si mauvaise que de négliger de sauver le corps ? Combien plus douleureuse est la punition dont est ainsi digne celui qui laisse l’âme immortelle périr. Le Seigneur Jésus m’ordonne, vous ordonne : Allez par tout le monde et prêchez l’Evangile à toute la création. Lui dirons-nous : Non, ce n’est pas commode ? Lui dirons-nous que nous sommes occupés à la pêche ou à d’autres affaires et ne pouvons pas y aller ? Il est inutile que nous chantions comme nous faisons souvent : Des bourrasques, des bourrasques enroulent l’histoire. Les vents ne porteront jamais l’histoire mais ils peuvent nous porter. Oh, prions et gémissons de douleur pour le salut des millions d’âmes non évangélisés de la Chine”. Hudson Taylor croyait que les coeurs froids des chrétiens ne pourraient être réchauffés pour se transformer en une flamme qui se soucie d’un monde perdu pour lequel Christ est mort, que par la prière fervente.

Après plusieurs années de labeurs infatigables, le serviteur de Dieu se trouva assailli par une période de déceptions diverses et de sévères tristesses. Un certain nombre d’ouvriers furent frappés d’incapacité par une mauvaise santé, tandis que d’autres moururent ; quelques uns des indigènes convertis avaient fini dans le péché et l’idolâtrie ; et les ressources financières étaient à un niveau très bas. Au lieu de regarder aux circonstances, cependant, il pensa à Dieu comme La Grande Circonstance et s’écria à Lui pour obtenir la bénédiction dans la moisson des âmes. Il écrivit à un collègue ouvrier : “Continuez à prier ! Continuez à travailler ! Ne soyez pas effrayés par le dur labeur ou par la croix. Ils payeront bien”.

Et c’est ce qu’ils firent, au temps de Dieu et selon Ses voies. Depuis les marches du temple principal de Cheng-hsien, il prêcha longtemps et avec ferveur à une foule qui s’était réunie ; et, lorsque, de pure fatigue, il ne put plus se faire entendre, il monta plus haut sur la colline pour y déverser son coeur dans l’intercession pour les multitudes de Chine, vivant, mourant sans Dieu et sans espoir. Quelques nuits plus tard, il se trouva lui-même entouré par une compagnie de pieux croyants, qui durant de longues années, brillèrent comme des lumières dans un monde de ténèbres. Un des convertis était Monsieur Nying, un fier érudit confucianiste, qui devint un témoin chrétien de grande ardeur et armé de puissance. Un autre était Lao Kuen, transformé d’homme terrorisant la ville en un doux et ardent évangéliste de Christ. Un autre était le gardien d’une maison de jeu et d’une maison de mauvaise réputation. A sa conversion, il bannit les tables de jeu, vida sa maison des mauvais personnages et transforma sa plus grande pièce en chapelle. De plus, il la fit nettoyer et purifier avant de l’offrir, gratuitement, comme lieu d’adoration. Croyant dans la foi, recevant dans la prière, Taylor avait compté sur Christ pour les âmes. Il se réjouit de ces miracles de la grâce, croyant avec confiance qu’ils étaient les premiers fruits d’une grande moisson dans cette région de Chine. Il avait demandé et la réponse était en partie venue, “afin le Père soit glorifié dans le Fils”.

De toutes les bénédictions Divines, Hudson Taylor aspirait le plus à la présence fidèle et constante de Son Seigneur. Rien d’autre ne lui importait réellement, car en Sa présence se trouvaient la protection adéquate, l’abondance de la force et la plénitude de la joie. Et il était convaincu que cette bénédiction, comme toutes les autres, était incluse dans le ” tout ce que vous demanderez “du Sauveur et obtenue sous la même condition – “demandez”. Jean 14.13 précisait clairement que c’était par la prière qu’il devait entrer dans la Présence. Cette Présence l’avait-t-elle jamais laissé tomber ? Nous allons le voir.

Le 20 janvier 1858, Hudson Taylor épousa Maria Dyer, une missionnaire habitant Ningpo. Durant l’été 1867, leur petite Gracie, de huit ans, l’idole de leurs coeurs, tomba malade d’une façon critique. Quelques jours plus tôt, Gracie avait vu un homme fabriquant une idole.

“Oh, papa”, s’était-elle exclamé avec sérieux, “il ne connaît pas Jésus sinon il ne ferait jamais cela ! Ne vas-tu pas le lui dire ?” C’est ce qu’il fit, la petite fille suivant l’affaire avec un ardent intérêt. Plus tard, elle pria le plus ardemment pour le fabricant d’idoles et pour tous les Chinois fabriquant et adorant des idoles.

Juste une semaine plus tard, Gracie mourait. Leur perte était accablante et le tentateur chuchotait : “Votre Dieu vous a abandonnés”. Mais le père écrivit quelques semaines plus tard : “Notre chère petite Gracie ! Comme sa douce voix nous manque… et le miroitement de ces yeux brillants. Mais Celui qui a dit : Je ne vous abandonnerai jamais est avec nous … rien ne peut jamais se substituer à la Présence de Christ”.

“Je ne vous abandonnerai jamais” disait la promesse. “Rien ne peut se substituer à la Présence de Christ” déclara le missionnaire au milieu des larmes.

Hudson Taylor et son épouse Maria Dyer

Le notoire bombardement de Canton par les Anglais en 1837 produisit une crise des plus sérieuses pour les missionnaires. Quand les nouvelles terribles du bombardement atteignit les Cantonais à Ningo [c’est-à-dire Ningpo], leur colère ne connut aucune limite et ils complotèrent immédiatement de faire mourir tous les étrangers de la ville. Sachant qu’un certain nombre d’étrangers se réunissaient chaque dimanche soir pour le culte dans une certaine maison, les comploteurs s’arrangèrent pour entourer la place une nuit pour tous les assassiner. En entendant parler du complot et du fait qu’entre cinquante et soixante Portugais avait déjà été tués, les missionnaires se réunirent pour chercher la présence protectrice du Très-Haut et se cacher sous l’ombre de Ses ailes. En même temps, ils priaient que le Seigneur fût à l’œuvre. Un fonctionnaire inconnu vint à leur secours et empêcha l’attaque. “Ainsi de nouveau”, dit Taylor, “nous avons été conduits à démontrer que ‘suffisant est Son bras seul et sûre notre défense”.

La Présence Protectrice entendit leur supplication et ne les abandonna pas à l’heure de leur besoin désespéré. Le 7 juillet 1870, Madame Taylor donna naissance à son sixième enfant – un fils qui vécut seulement une semaine. Sévèrement affaiblie par le choléra, la mère était dans une condition critique. Elle avait seulement trente-trois ans. Pendant douze ans, elle avait été la lumière et la joie de la vie de son mari et l’amour mutuel profond qui avait lié leurs coeurs ensemble rendait impensable la pensée de la séparation. Néanmoins, la lumière de sa vie s’évanouit devant ses yeux et il resta seul à nourrir son amer chagrin.

Seul ? Dans l’heure écrasante du chagrin, est-ce qu’il était seul ? “Je suis acculé” écrivait le missionnaire au coeur brisé, “à travailler dur et souffrir seul – non pas seul toutefois, car Dieu est plus proche de moi que jamais … je suis affligé, mais pas abandonné. Jésus est ma vie et ma force et Son sein est mon lieu de repos maintenant et pour toujours”. La Présence Protectrice ne fit jamais défaut. 

Il est possible que d’autres pussent ne pas l’avoir discerné, mais il y avait dans le coeur de Hudson Taylor un poignant sentiment d’insatisfaction. Confronté à d’énormes exigences dans la direction de la Mission qui progressait rapidement, battu par les vents farouches des déceptions et des critiques, “vidé de navire en navire”, il avait l’impression que sa vie spirituelle était plutôt une citerne crevassée que la fontaine jaillissante de plénitude que Jésus dépeint lorsqu’Il dit : “Celui qui croit en Moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein”. A partir de sa connaissance des Saintes Ecritures et de la vie de saints chrétiens, il était convaincu qu’il existait une expérience plus profonde de la plénitude Divine qui lui était disponible. Il languissait de vivre une vie caractérisée par la plénitude du Saint-Esprit, une communion ininterrompue avec son Seigneur, la paix dans la tempête, la joie dans l’adversité et des accomplissements dans la dimension d’une vie sainte. Comment pouvait-il pénétrer dans cette œuvre plus profonde de la grâce, cette plénitude de puissance spirituelle ? Son texte favori indiquait le chemin : “Demandez en Mon nom”. Jean 14.13 affirme que chaque bénédiction de Dieu et chaque promesse de Christ sont rendues disponibles par le canal de la prière.

Écrivant à ses parents en Angleterre, il parla librement de son besoin et de son intense désir : “Je ne peux pas vous dire combien je suis souffleté parfois par la tentation. Je n’avais jamais su à quel point mon cœur était mauvais… S’il vous plaît, priez pour moi. Priez que le Seigneur me garde du péché, me sanctifie complètement et m’utilise à plus grande échelle dans Son service”.

Alors qu’il lisait la Parole et répandait les languissements de son coeur dans la prière, il fut impressionné de l’expectative évidente qu’avait Jésus de ce que tous Ses disciples devraient être “revêtus de la puissance d’en haut” et “marcher dans la sainteté devant Lui”. Finalement il reconnut que ce dont il avait besoin, ce n’était pas de lutter ni de combattre, mais du repos ; cette sanctification, comme le salut, n’est pas un accomplissement, mais un don d’en haut en réponse à la prière de la foi ; cette sainteté n’est pas un statut de la perfection, mais est plutôt une relation – un repos en Jésus ; ce fait de demeurer en Christ signifie être un avec Lui et être un signifie que toute la plénitude de Christ est la nôtre. Étant entré dans cette expérience sublime, sa vie fut étrangement et merveilleusement enrichie. Il écrivit à un collègue missionnaire : “J’ai le même passage pour vous, un passage que Dieu a tant béni pour ma propre âme : Jean 7.37 à 39, Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à Moi et qu’il boive… Peu importe combien mon service est difficile, combien ma perte est triste, combien impuissant je suis, combien sont profonds les soupirs de mon âme, Jésus peut satisfaire à tous mes besoins. De plus, Il dit : celui qui croit en Moi, des fleuves d’eau vive couleront de son sein… Peut-il en être ainsi ? L’âme assoiffée peut-elle non seulement être rafraîchie, mais aussi si saturée que des fleuves coulent d’elle ? Bien sûr ! Et non des simples torrents de montagne qui débordent tandis que la pluie dure, et qui ensuite se dessèchent à nouveau ; mais des fleuves d’eau vive couleront de son sein – des rivières telles le Yangtze, continuellement une source puissante, qui coule toujours, profonde et irrésistible”.

Toutes ses lettres transpirent dorénavant de cet unique thème absorbant. À sa sœur, il écrivit : “C’est une chose merveilleuse que d’être réellement un avec Christ. Pense à ce que cela implique. Christ peut-il être riche et moi pauvre ? Ta tête peut-elle être bien alimentée tandis que ton corps affamé ? Un employé de banque pourrait-il dire à un client : Je ne peux pas payer cette somme à votre main, mais seulement à votre moi ? Plus jamais tes prières, ou les miennes, ne peuvent être discréditées si elles sont offertes au nom de Jésus ; c’est-à-dire sur la base de ce que nous sommes les Siens, les membres de Son corps”.

Son cœur retournait une fois de plus aux vérités transcendantes de Jean 14.13 – “Tout ce que vous demanderez en Mon nom, Je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils”.

Sur la cheminée de la modeste maison de Hudson Taylor à Ningpo, il y avait deux rouleaux écrits en caractères chinois – Ebenezer, “Jusqu’ici le Seigneur nous a aidés”, et Jéhovah Jireb, “le Seigneur pourvoira”. La foi exprimée dans ces devises fut soumise à beaucoup de mises à l’épreuve sévères. Tout à fait soudainement l’ange de la mort emporta la femme de son missionnaire-associé, le docteur Parker, le laissant avec quatre enfants sans mère. A cause d’eux et parce que sa propre santé était ruinée, le docteur Parker fut contraint de retourner en Ecosse. Cela créa une crise au sein de la Mission, car le docteur Parker était le seul médecin à Ningpo. Il semblait que le dispensaire et l’hôpital de la mission devaient être fermés, car jusqu’alors les dépenses liées à leur fonctionnement avait été prises en charge par les revenus dû à l’exercice du docteur Parker parmi les Européens. Ce revenu était maintenant coupé. Taylor croyait que le fait de fermer l’hôpital et le dispensaire pour des raisons financières ne serait rien de moins que douter de Dieu. Appelant les assistants de l’hôpital à se rassembler, il leur expliqua la situation et dit : “Si vous êtes prêts à faire confiance à Dieu pour nos besoins, vous êtes invités à continuer votre travail ici. Autrement vous êtes libres de partir. J’ai confiance que Sa grâce est suffisante. Notre Dieu n’a-t-Il pas dit que quoi que ce soit que nous demandons au nom du Seigneur Jésus, cela sera accordé ?”

Comme les semaines passèrent, les provisions diminuèrent. Un jour, le cuisinier annonça que le dernier sac de riz avait été entamé. Voici la réponse de Hudson: “Alors, le moment du Seigneur pour nous aider doit être tout proche”. Et ce fut le cas. Avant que le riz ne fût complètement consommé, cinquante livres (250 $) arrivèrent d’Angleterre. Les cœurs débordants, les ouvriers allèrent parmi les patients leur disant ce qui leur était arrivé et leur demandant : “Vos idoles vous ont-elles jamais délivrés dans vos problèmes ou répondu à la prière de cette sorte ?”

Chaque fois que Taylor avait besoin d’ouvriers, il le demandait au nom de Christ et pour Sa gloire et s’attendait à ce que le besoin fût pourvu. Rentré en Angleterre à cause de sa mauvaise santé critique, il fut confiné dans sa chambre pendant de nombreux mois.

Alors qu’il se couchait sur son lit occupé dans ses pensées et à la prière, il entendit s’élever le cri des millions d’âmes de Chine sans Christ. Dans la pièce, se trouvaient deux objets qui tenaient lieu continuellement de stimulants et d’accusation : La Bible ouverte avec son insistant commandement : “Allez … à toute la création”. La carte de Chine avec son urgente requête : “Venez… nous aider”.

Quand sa santé s’améliora, il fut encouragé par Monsieur Lewis, son pasteur et rédacteur du Magazine Baptiste, à écrire une série d’articles sur “les Besoins et Revendications Spirituels de la Chine”. Chaque phrase était trempée dans la prière. “Ils périssent”, écrivait-il, “un millier chaque heure, un million chaque mois, tandis qu’à moi et à chaque croyant, il est donné de demander dans la prière tout ce que nous voudrons; de demander sans limite au nom de Jésus”.

Alors vint le 25 juin 1865, avec la décision épique prise sur les sables du Brighton Beach. Comme cela fut dit il y a longtemps au temps de Jacob, ainsi de nouveau, “là un homme lutta avec lui jusqu’à l’apparition du jour”. La conviction vit le jour dans le cœur de Hudson Taylor, qu’il devait demander deux nouveaux ouvriers pour chacune des onze provinces inoccupées et deux pour le Tartary chinois et le Tibet, soit vingt-quatre en tout. Mais le soutien pour tant d’ouvriers suivrait-il ? Leur ancre tiendrait-elle ferme au milieu des épreuves du service en Chine ? Ou perdraient-ils courage et le blâmeraient-ils de les avoir amenés dans de telles privations ? Finalement, un brin de lumière fit irruption dans son esprit et il s’exclama : “Si nous obéissons au Seigneur, la responsabilité incombera sur Lui, pas sur nous”. Tout de suite, il écrivit dans sa Bible : “A Brighton, le 25 juin 1865, j’ai prié pour vingt-quatre ouvriers volontaires et habiles pour la Chine”. Cette date marque l’anniversaire de la Mission Intérieure pour la Chine, si merveilleusement utilisée par Dieu. Le Seigneur de la moisson “propulsa en avant en effet des ouvriers” en réponse à la prière et toucha certains de Ses intendants pour subvenir aux fonds nécessaires à leur voyage et à leur soutien.

Chaque fois qu’il y avait un besoin en rapport avec l’œuvre du Seigneur, il croyait à la demande faite selon les instructions explicites de Jean 14.13. A une occasion, alors qu’il était en Angleterre, il comptabilisa les contributions reçues entre le 4 et le 24 du mois et constata qu’elles s’élevaient à soixante-huit livres. Appelant plusieurs amis à venir ensemble, il leur relata les faits et ajouta : “C’est environ 235 livres de moins que notre dépense moyenne en Chine pour une durée de trois semaines. Demandons au Seigneur de rappeler à certains de Ses gestionnaires les besoins de l’œuvre”. La réponse ne tarda pas. Le soir même, une lettre arriva leur annonçant comment un cher chrétien s’était senti contraint de vendre un certain bijou et avait fait don du gain résultant en faveur de la diffusion de l’Evangile du salut. La somme inscrite sur le chèque joint à la lettre était de 235 livres, 7 shillings et 9 pennies.

Un jour, alors qu’il était en tournée d’évangélisation en Chine, il entra en conversation avec un vieil homme, du nom de Dzing, qui dit : “Que dois-je faire de mes péchés ? Nos sages disent que nous devrions adorer des idoles et vivre seulement de légumes. Mais un régime végétal semble laisser intacte la question du péché, et l’adoration des idoles ne me satisfait pas. Je me couche sur mon lit et médite. Je m’asseois seul pendant la journée et je médite. J’ai soixante-douze ans et aujourd’hui je ne sais pas ce que me réserve l’avenir. Oh, monsieur ! Pouvez-vous me dire ce que je dois faire de mes péchés ?” Avec tendresse, le missionnaire raconta “la vieille, vieille histoire de Jésus et de Son amour”. Alors, entendant plusieurs centaines de millions de Chinois répercutant le cri du vieil homme : “Que dois-je faire de mes péchés ?”, il passa de longues heures dans l’intercession fervente pour demander plus de hérauts de la Croix. Dans sa Bible il écrivit : “J’ai demandé à Dieu cinquante ou cent évangélistes natifs supplémentaires et des hommes qui pénètrent dans les provinces inoccupées. Je l’ai demandé au nom de Jésus. Je Te remercie, Seigneur Jésus, de la promesse sur laquelle Tu m’a donné de me reposer”.

Foi audacieuse – demander un grand nombre de nouveaux ouvriers quand les fonds de soutien de la Mission avaient diminué jusqu’à pratiquement s’annuler. Il écrivit à un ami : “Nous avons vingt-sept cents et toutes les promesses de Dieu”. Deux mois plus tard, une lettre arriva d’un ami inconnu en Angleterre, disant qu’elle contribuait au moyen de huit cents livres (4000 $) à l’extension du M.I.C. dans de nouvelles provinces, non atteintes.

La deuxième femme de Taylor était Mademoiselle Spaulding de la Mission Intérieure pour la Chine. Ses voyages d’évangélisation l’éloignaient de la maison pendant des mois d’affilée ; et il y avait pourtant des séparations encore plus longues lorsque Madame Taylor et les enfants étaient en Angleterre. “Parfois cela semble dur”, écrivit-il à sa femme, “d’être si longtemps loin de toi et des enfants. Mais quand je pense à Celui qui a passé trente-trois années loin de Sa maison et les a terminés au Calvaire, j’ai honte de mon égoïsme”. À maintes reprises, dans les temps d’épreuves, il jouait de son harmonium et chantait certains des grands hymnes chrétiens.

A l’époque où il y avait environ cent missionnaires dans la M.I.C., Hudson Taylor commença à prier le Seigneur d’en envoyer, comme de coutume, “soixante-dix autres aussi”. Ayant cet objectif en vue, il appela certains de ses collègues-missionnaires à se réunir pour “un jour de jeûne et prière”, et cet homme lutta souvent jusqu’à minuit dans la prière, tout seul avec son Seigneur.

En retournant en Angleterre, il fut puissamment utilisé par Dieu tandis que les chagrins des millions de perdus de la Chine se déversaient à travers les canaux de son cœur chargé et alors qu’il suppliait Dieu de lui envoyer “soixante-dix autres aussi” qui se joindraient à l’œuvre. Bien qu’il n’eût jamais demandé des fonds et n’eût jamais permis de collecte, des dons consacrés se déversaient en faveur du trésorier de la maison. Plusieurs aussi offrirent leurs vies et ainsi avant la fin de cette année-là, plus de soixante-dix nouveaux ouvriers avaient pris la route de Chine par bateau. Il y avait toujours de vastes régions non-atteintes et environ un million d’âmes pour chaque missionnaire sur le terrain. De nouveau, le cœur de Hudson Taylor se tourna vers son verset préféré. “Nous avons été conduits”, dit-il, “à prier pour cent nouveaux ouvriers cette année. Nous avons la Parole certaine que tout ce que vous demanderez en Mon nom, Je le ferai, afin que le Père soit glorifié dans le Fils. L’œuvre de Dieu ne manquera jamais des provisions de Dieu.”

Avant la fin de l’année, 102 nouveaux missionnaires avaient pris le voile pour la Chine et, sans appels de fonds excepté ceux s’élevant jusqu’à Dieu, plus de onze mille livres étaient entrés dans leur trésorerie pour payer leur passage dans le champ missionnaire. Avec une abondante joie, Taylor se rappela la remarque pittoresque d’un évangéliste de couleur : “Quoi que Dieu fasse, Il le fait admirablement !”

En réponse à des invitations urgentes, Hudson Taylor décida de visiter l’Amérique sur le chemin de son retour en Chine. Ses messages donnés à la Moody’s Northfield Conférence et en d’autres endroits firent une profonde impression. Après qu’il eut parlé à la Conférence de Niagara-on-the-Lake et fut parti pour honorer d’autres engagements, Robert Wilder apporta un brûlant message sur “Allez par tout le monde”. Au cours de son message, il dit qu’il avait appris d’une certaine femme chrétienne le merveilleux secret de la façon de travailler pour Christ vingt-quatre heures par jour en continuant de la sorte tout au long de l’année. Lorsqu’on demandait à cette femme comment cela était possible, elle répondait : “Je travaille douze heures et quand je dois me reposer, mon représentant en Inde, que je soutiens, commence sa journée et travaille les douze autres”. Wilder pressa avec insistance ceux qui ne pouvaient pas aller sur le champ missionnaire à l’étranger de soutenir un représentant afin de travailler ainsi vingt-quatre heures par jour pour Christ. L’idée s’enflamma, non seulement dans ce groupe, mais dans plusieurs autres. En peu de temps, une somme suffisante d’argent fut donnée pour contribuer à soutenir un grand nombre de missionnaires, et un grand nombre de jeunes vies sérieuses s’offrirent pour le service en terre étrangère.

En arrivant en Chine, Taylor trouva “beaucoup d’adversaires” mais il se réjouit des heureuses nouvelles d’un grand nombre d’âmes sauvées et de bénédictions de Pentecôte dans de nombreuses régions. Taylor publia par la suite un appel mondial sous le titre de : “A Chaque Créature”. Apporter l’Evangile au monde entier n’était pas un projet humain, mais un commandement divin qui doit être pris dans le plus grand sérieux par ceux qui ont reconnu l’Autorité de Christ. “Combien peu parmi le peuple du Seigneur”, dit-il, “ont pratiquement reconnu la vérité que Christ est Seigneur de tout ou n’est pas Seigneur du tout”. Il ressentait “le soupir de Dieu dans le cœur du monde” et faisait appel partout aux chrétiens à faire exactement ce que Jésus avait commandé – “prêcher l’Evangile à CHAQUE créature”. Il pensait en termes de milliers de nouveaux ouvriers en Chine seule en l’espace de cinq ans. Pour une si grande victoire, il regardait uniquement à Christ et à ces ressources illimitées qu’Il rendait disponibles à ceux qui élèvent leurs cœurs dans la prière et étendaient les mains de la foi. “Christ est infiniment digne et gracieux”, déclarait-t-il. “Car en échange de notre petit tout, Il Se donnera Lui-même à nous et nous donnera Son grand tout”.

La prière prévalente était bientôt sur le point d’être exaucée, alors que le Seigneur de la Moisson appelait des ouvriers à se lever et mettait dans les cœurs de Ses serviteurs en Angleterre, en Amérique, en Europe et en Australie de déverser leurs dons. Une des parties à arriver était un groupe de cinquante Scandinaves fervents et chantants, qui, lorsqu’ils furent plongés au cœur des ténèbres dans l’intérieur de la Chine, répondirent en envoyant ce message plein de confiance : “Marchez à travers les obstacles – nous allons vaincre ! Nous avons la victoire par le sang”.

Hudson Taylor était souvent rafraîchi dans ses labeurs en pensant à l’accueil qui l’attendait dans la maison du Père. En veillissant, cette perspective devenait de plus en plus douce et il priait qu’au temps propre de Dieu son dernier pas le hissant en haut l’amènerait à rentrer dans “la maison qui n’est pas faite de mains d’homme”, pour ne plus jamais en sortir. Lorsqu’il lisait la merveilleuse promesse : “Je M’en vais vous préparer une place”, son cœur répondait : “Oui, qu’il en soit ainsi, viens, Seigneur Jésus, viens vite !”

Etant retourné en Angleterre avec une mauvaise santé, il fut amené aux portes mêmes de la mort par les nouvelles épouvantables de l’interruption de l’œuvre et du meurtre de centaines de missionnaires, ainsi que de centaines de chrétiens indigènes, en rapport avec le soulèvement des Boxeurs de 1900. L’angoisse du cœur était en train de le tuer. Pourtant, il croyait que ce baptême de sang, sous Dieu, contribuait à l’avancement de l’Evangile.

Et c’est ce qui eut lieu, car les cœurs des chrétiens du monde entier furent stimulés dans une foi nouvelle et une consécration nouvelle par l’héroïsme de ceux qui avaient péri, ainsi que par le courage de ceux qui, ayant échappé à cette période d’horreurs, étaitent retourné à leurs labeurs aussitôt que la tempête avait reculé. L’esprit des martyrs est indiqué par le cas de la tendre mère qui, se mourant sur la route après avoir été témoin de la mort d’un de ses enfants et de la souffrance prolongée des autres, chuchota à son mari : “Je regrette de ne pas pouvoir vivre ni de pouvoir y retourner pour parler plus de Jésus à des personnes chères”.

Malgré le fait que la MIC souffrit plus que tout autre organisme missionnaire (58 travailleurs et 21 enfants furent tués), Taylor refusa tout dédommagement pour les propriétés ou vies perdues, tout cela pour prouver la douceur de Christ.

Sa femme, Jennie est décédée d’un cancer en 1904 à Chevalleyres-sur-Vevey en Suisse.

Tout à fait en accord avec lui-même, les derniers jours terrestres de Taylor furent passés en Chine. C’était un délice pour lui de jouir de la communion avec d’anciens amis, d’entendre les merveilleux comptes-rendus d’une grande moisson en train d’être récoltée, et d’être salué par des chrétiens indigènes qui, affectueusement, l’appelaient “l’Honorable Pasteur Principal”.

Le 3 juin 1905, l’âme de Hudson Taylor passa au-delà du voile. Quelques minutes après que le noble esprit fut parti, un évangéliste chinois et sa femme entrèrent dans la chambre. “Cher et Honorable pasteur”, dit-il, “nous vous aimons. Nous sommes vos enfants. Vous nous avez ouvert la route, la route au ciel. Vous nous avez aimés et avez prié pour nous pendant de longues années”.

D’après Eugenie Myers Harrison

Source : sentinellenehemie.free.fr

Wikipédia

Un boxeur, photographié en 1900 lors de la révolte.

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