1889 – 1929
Le Sadhou Sungar Singh
Sundar Singh naquit le 3 septembre 1889 dans le Pendjab région du nord-ouest de l’Inde. Sa famille qui pratiquait la religion des Sikhs, majoritaire dans la région, appartenait à la classe dirigeante et put lui apporter de ce fait, de même qu’à ses frères, une instruction poussée. Sa mère, d’une grande piété, avait une affection toute spéciale pour lui et souhaitait qu’il devienne un sadhou. Après avoir assuré son éveil religieux pendant sa petite enfance, elle le confia ensuite à un maître puis à un Sadhou sikh qui l’initièrent à la connaissance des écrits sacrés du sikhisme.
À l’adolescence, il fut envoyé dans une école tenue par la mission presbytérienne américaine pour parfaire son éducation. C’est là qu’il entendit pour la première fois des versets tirés de la Bible, ce qui provoqua une grande colère face à cette religion d’étrangers. Une première lecture du Nouveau Testament ne fit qu’augmenter sa haine du christianisme. Un jour, saisi de colère, il déchira son exemplaire de la Bible et la brûla, expliquant que le christianisme était une religion fausse et, qui plus est, étrangère.
Considérant qu’il était probablement arrivé à une impasse dans sa vie, sans avoir atteint la paix, il envisagea de se suicider afin de pouvoir commencer une nouvelle vie, selon la loi du Karma. Il avait alors 15 ans. Aussi il décida, que si la divinité ne se révélait pas à lui, il mettrait fin à ses jours en posant sa tête sur les rails au moment où passerait l’express de 5 heures du matin.
Le 18 décembre 1904, levé à 3 heures, il prit un bain froid, puis commença à prier, implorant la divinité de se manifester. Il pria ainsi plus d’une heure espérant voir apparaître Krishna Bouddha, ou quelque autre saint de la religion hindoue, sans résultat. Il redoubla d’effort dans la prière et soudain une grande lueur illumina sa chambre. Croyant d’abord à un incendie, il ouvrit la porte, avant de s’apercevoir qu’à l’extérieur il faisait encore nuit.
« Alors il se passa quelque chose que je n’avais jamais attendue : la chambre fut emplie d’une merveilleuse lumière qui prit la forme d’un globe et je vis un homme glorieux debout au centre de cette lumière. Ce n’était pas Bouddha, ni Krishna, c’était le Christ. Durant toute l’éternité, je n’oublierai pas sa face glorieuse, si pleine d’amour, ni les quelques mots qu’il prononça : « Pourquoi me persécutes-tu ? Je mourus pour toi, pour toi j’ai donné ma vie, je suis le Sauveur du monde ». Ces mots furent inscrits comme en lettres de feu sur mon cœur. Le Christ que je croyais mort était vivant devant moi. Je vis la marque des clous ; j’avais été son ennemi, mais je tombai à genoux devant lui et l’adorai. Là, mon cœur fut empli d’une inexprimable joie et d’une paix merveilleuse ; ma vie fut entièrement transformée ; le vieux Sundar mourut et un nouveau Sundar Singh naquit, pour servir le Christ ».
Dès lors il décida de consacrer sa vie au Christ, provoquant ainsi la colère de sa famille, qui le chassa pour avoir renié la tradition de ses ancêtres. Il fut baptisé dans l’Église anglicane le 3 octobre 1905. Un jour vous serez un Sadhou, lui avait dit sa mère, à maintes reprises. Il n’avait jamais perdu de vue le désir prophétique de celle qui lui avait appris à donner à Dieu la première place dans sa vie. Après sa conversion il avait clairement entendu l’ordre divin : « Tu me serviras de témoin ». Le moment était venu d’obéir à cet appel. Ne trouvera-t-il pas une porte ouverte s’il vient prêcher l’Évangile du Christ dans une robe de Sadhou tenue pour sacrée aux Indes depuis un temps immémorial ? Cette robe, symbole d’une vie ascétique de renoncement au monde et de pauvreté lui ouvrira sans doute l’entrée de toutes les castes et même les portes des zénanas.
Sa décision fut prise ; trente-trois jours après son baptême, le 3 octobre 1905, ce jeune chrétien de seize ans revêtit le vêtement jaune safran des saints Sadhous. Il allait faire de lui un homme voué à une existence errante de religieux, sans un lieu où reposer sa tête.- “J’ai fait le voeu de, consacrer ma vie entière à Christ mon Sauveur, et, par sa grâce, je ne le romprai jamais ; le jour où je devins un Sadhou, j’ai revêtu cette robe pour la vie, et aussi longtemps que cela dépendra de moi, je ne m’en séparerai pas”.
Pieds nus, sans argent, se conformant à la lettre aux instructions données par Jésus-Christ à ses disciples, Sundar Singh ne prit avec lui qu’une couverture et son Nouveau Testament en ourdou. Il partit de Sabathou pour aller de village en village, et de ville en ville, annoncer à son peuple l’amour de Jésus-Christ. N’était-il pas un témoin vivant de sa grâce ? Il ne mendiait jamais. Lui, le fils d’un riche et fier Sikh, dépendait pour sa subsistance de l’aumône qui lui était librement accordée. S’il avait été un Sadhou prêchant l’hindouisme, on l’eût traité avec les plus grands honneurs, rien ne lui eût manqué ; mais lorsqu’on découvrait qu’il était chrétien et qu’il annonçait Jésus, les portes se fermaient devant lui ; on lui refusait logement et nourriture. Il devait se contenter, pour vivre, de quelques fruits sauvages, de racines ou de feuilles, et trouver un abri dans de sordides caravansérails, dans des grottes ou encore sous un arbre. Parfois maudit, injurié, il était chassé et devait chercher un refuge dans la jungle, malgré le danger des cobras et des léopards.
Pendant les premiers temps il trouva peu de réponses à son persévérant effort ; il répandait la bonne semence dans des terrains durs et pierreux, au milieu de grandes difficultés et d’épreuves de tous genres, mais il savait que Christ était avec lui, et il ne se décourageait jamais. Il choisit comme premier champ de travail son propre village. Il parcourut les rues familières de Rampour, rendant témoignage à la puissance du Sauveur et parlant à tous du bonheur qu’il avait trouvé en lui. Les uns l’écoutaient, d’autres se détournaient avec mépris. Il put cependant pénétrer dans les zénanas et, dans un village voisin, une dame hindoue réunit chez elle 60 à 70 femmes des meilleures familles. Celles-ci, après l’avoir entendu, dirent entre elles :- Ce qu’il annonce est vrai, nous croyons chacune de ses paroles, Jésus est vraiment le Sauveur.
Quittant Rampour, Sundar alla d’un lieu à l’autre, traversant ainsi une grande partie du Béloutchistan, de l’Afghanistan, et des merveilleuses montagnes du Cachemire. Il eut beaucoup à endurer dans ce premier voyage missionnaire ; il affronta le froid, les pluies torrentielles, la faim, la soif, la fatigue.
Dans la vallée de jalalabad, en Afghanistan, il fut informé par un homme un peu moins méchant que ses compagnons, d’un complot ourdi contre lui pour l’assassiner. Il écouta l’avertissement et se réfugia pour la nuit dans le seul endroit possible, un caravansérail plein de moustiques et de vermine. Vers le matin, il alluma un feu pour sécher ses vêtements trempés par la pluie. A ce moment arriva une troupe de Pathans, tribu musulmane fanatique et cruelle. Au grand étonnement de Sundar, le chef de la bande tomba à ses pieds ; il lui expliqua que lui et ses compagnons avaient eu en effet l’intention de le tuer, mais ils furent si remplis d’étonnement et de crainte en voyant que le froid intense de la nuit ne lui avait fait aucun mal, qu’ils pensèrent qu’Allah l’avait protégé. Ils lui demandèrent de venir les instruire. Sundar passa une semaine au milieu de ces hommes farouches, leur parlant de Jésus-Christ, son protecteur et son ami. Il quitta Jalalabad, certain que Dieu lui-même lui avait permis de répandre la bonne semence dans ces coeurs sauvages, et qu’il saurait la faire germer en son temps.
C’est là qu’à la fin de 1906, il rencontra M. Stokes. C’était un riche Américain, ayant abandonné fortune et bien-être pour apporter l’Évangile aux Indes en prenant le chemin du renoncement et de la pauvreté, cherchant à suivre l’exemple de saint François d’Assise dont il était un fervent disciple. Revêtant à son tour la robe de Sadhou, il se joignit à Sundar, et ils unirent leurs forces pour entreprendre un périlleux voyage à travers les montagnes et dans des contrées malsaines. Sundar, épuisé par de fréquents accès de fièvre et de violents maux d’estomac, tomba un jour presque inconscient au bord du chemin. Stokes parvint à conduire Sundar, non sans peine, jusqu’à la demeure d’un Européen qui les reçut avec la plus grande bonté. Cet homme qui n’avait jamais beaucoup pensé à Dieu et au salut de son âme, fut si frappé par la sérénité, la foi, l’amour, la patience de Sundar, qu’il se mit à réfléchir et, peu après, se tourna vers le Sauveur de son hôte.
En 1907, les deux amis travaillèrent ensemble dans l’asile des lépreux à Sabathou, puis à Lahore dans un camp de pestiférés où, sans crainte de la contagion, ils se consacrèrent jour et nuit aux soins des malades et des mourants. Ils rassemblèrent aussi, selon les instructions de l’Évangile, les enfants infirmes, boiteux, estropiés, aveugles, ou ceux de parents lépreux, et organisèrent pour eux des camps dans l’air salubre des montagnes.
De 1909 à 1910, cédant aux sollicitations de ses amis chrétiens, le Sadhou consentit à faire des études de théologie. Il semblait utile qu’il acquît des connaissances plus vastes en vue d’élargir le cercle de son influence, limitée à l’évangélisation des païens, et de l’étendre aux communautés chrétiennes. Il subit l’examen de première année et entra d’emblée en seconde année au collège théologique de Lahore. Pendant les vacances il continuait ses campagnes d’évangélisation.
Les études apportèrent peu de chose à sa piété simple et directe. Il semble au contraire qu’elles éveillèrent en lui une certaine aversion pour l’intellectualisme théologique dont il parlera si souvent dans ses discours.
Là, comme à Loudhiana, il se sentit étranger parmi les étudiants qui se préparaient au saint ministère. Comme Sadhou, le niveau de sa vie spirituelle était bien supérieur à la leur et ses habitudes religieuses d’une autre essence que celle de la vie du séminaire ; aussi passait-il seul dans sa chambre la plus grande partie de son temps, à part les repas, les cours et les heures fixées pour la prière. Les étudiants se sentaient silencieusement condamnés par sa présence, bien que Sundar fit son possible pour éviter tout ce qui pouvait être considéré comme un blâme de sa part ; il attendait humblement de gagner leur confiance et leur affection, mais il ne semblait point y parvenir.
Un jour, un des étudiants, particulièrement hostile au Sadhou, le vit assis seul sous son arbre ; il s’approcha de lui sans être aperçu. A sa grande surprise il trouva Sundar en larmes, répandant à haute voix son coeur devant Dieu dans une ardente supplication en faveur de cet étudiant venu là sans qu’il s’en doutât. Il priait que, s’il y avait eu un tort de sa part, Dieu veuille le lui pardonner, et qu’un véritable amour puisse s’établir entre eux. En entendant cette fervente prière, le jeune homme fut repris dans sa conscience ; il demanda aussitôt pardon à Sundar et, dès ce jour, ils devinrent d’intimes amis. C’est cet étudiant lui-même qui donne ce récit.
Photo récente de la route vers Jalalabad – Afghanistan
En 1910 il reçut sa licence de prédicateur dans l’Église anglicane ; mais lorsqu’il comprit que, ministre consacré, il ne pourrait pas prêcher dans d’autres églises, ni annoncer librement l’Évangile partout où Dieu le conduirait, il considéra que ces restrictions ne s’accordaient pas avec sa mission de Sadhou. Aussi après beaucoup de prières, vit-il clairement qu’il ne devait se rattacher à aucune organisation extérieure. Il pria respectueusement l’évêque, qui avait été spécialement bon pour lui au cours de ses études, de bien vouloir lui reprendre sa licence de bachelier en théologie.
Le Rév. Redman qui revit Sundar deux ans après son baptême, fut profondément impressionné par la maturité de son caractère chrétien ; il n’était plus le garçon d’alors, mais un jeune homme affermi dans la foi, bien qu’il eût à peine 19 ans.
L’influence silencieuse de sa vie faisait une grande impression. Chrétiens et non-chrétiens venaient à lui pour trouver aide et conseil, et sa réputation s’étendait de plus en plus loin. Il fut appelé à participer à des conventions chrétiennes à travers tout le nord de l’Inde.
Malgré l’avis négatif d’un médecin franciscain qui travaillait avec lui et auquel il avait confié son intention de jeûner pendant quarante jours, Sundar mit son plan à exécution et, le 25 janvier 1913, il se retira dans la jungle pour se livrer à la méditation et à la prière.
Il vivait dans une sorte d’extase dans le monde surnaturel ; tandis que sa vie physique s’affaiblissait, au point de ne pouvoir plus distinguer les objets qui l’entouraient, par sa vision spirituelle il contemplait le Christ crucifié, ses mains et ses pieds percés et son visage empreint d’un ineffable amour. Alors que son corps était inerte et insensible, son âme goûtait la plus profonde paix et la plus merveilleuse joie mais ses forces diminuaient déclinaient rapidement.
Avant qu’il eût atteint les quarante jours, des bûcherons, coupeurs de bambous, le trouvèrent par hasard dans la jungle et le portèrent à Dehra-Dun. Là, quelques paysans chrétiens l’identifièrent grâce à son nom inscrit dans son Nouveau Testament. Ils le transportèrent en char dans le village chrétien de Annfield où il fut soigné avec amour et se rétablit rapidement.
Dès le début de son activité missionnaire, le Sadhou envisagea la grande et périlleuse entreprise de porter l’Évangile au Tibet, cette forteresse du bouddhisme, ce pays inaccessible, éloigné des contrées environnantes par sa situation géographique, fermé à l’Évangile et à toute influence étrangère.
Le Sadhou ne fut pas le premier missionnaire qui tenta d’entrer dans ce pays inhospitalier. Les missions chrétiennes ont une remarquable histoire dont il serait trop long de parler ici. La mission la plus récente est celle des Frères moraves qui travailla à la frontière du Tibet et a pu parfois pénétrer jusqu’à l’intérieur du pays ; mais à la suite de difficultés insurmontables, les portes furent fermées non seulement par ordre des Tibétains, mais aussi par le gouvernement anglais. Celui-ci autorisa la mission morave à continuer son travail à condition de limiter son activité au territoire sous mandat britannique.
On dit que les chrétiens hindous, qui sont entrés au Tibet comme marchands ou comme ascètes, sont morts en martyrs ; ce fut aussi le cas de Tibétains qui avaient accepté le Christ comme Sauveur,
Au cours de l’un de ses voyages, non loin du village de Garhwal, le Sadhou vit deux hommes dont l’un disparut soudainement. Sundar rejoignit le voyageur solitaire qui l’arrêta en lui montrant un corps enveloppé d’un drap. – C’est mon ami qui vient de mourir, dit-il, je suis un étranger ici, je vous demande de m’aider pour payer l’enterrement. – Sundar n’avait que deux pièces de monnaie qui lui avaient été données pour acquitter le droit de passage d’un pont ; il les lui tendit et poursuivit sa route. Peu après il fut rejoint par l’homme qui arrivait en courant, la figure bouleversée, annonçant dans les larmes, que son ami était vraiment trépassé. Le Sadhou lui demanda ce qu’il voulait dire, et finit par comprendre l’histoire suivante : depuis des années ces deux imposteurs faisaient à tour de rôle le prétendu mort pour exploiter les passants. Mais cette fois-ci, le mendiant revenu vers son ami, l’appela en vain et, soulevant le drap, vit qu’il était réellement mort. Il supplia le Sadhou de lui pardonner car il était certain d’être en présence d’un très saint homme qu’il avait dépouillé et que les dieux, dans leur courroux, le châtiaient. Sundar lui parla du seul vrai Dieu et de son pardon pour ceux qui se repentent de leurs mauvaises actions. Plein d’une sincère contrition, le coupable accepta le message du salut. Le Sadhou laissa cet homme l’accompagner pendant un certain temps, puis l’envoya dans la station missionnaire de Garhwal où plus tard il fut baptisé.
A Narcanda, dans les montagnes entre Simla et Kotgarh, le Sadhou passa auprès de quelques hommes moissonnant un champ ; il s’approcha pour s’entretenir avec eux. Ils firent peu attention à lui, mais bientôt se fâchèrent d’entendre parler d’une religion étrangère. L’un d’eux le maudit et, prenant une pierre, la lui jeta à la tête et le blessa. Tôt après, cet ouvrier fut saisi d’un violent mal de tête et dut abandonner son travail. Le Sadhou, relevant la faux, reprit la tâche inachevée. Voyant cela, les autres moissonneurs changèrent d’attitude envers lui, et lorsque le travail fut terminé, ils l’invitèrent à venir chez eux. Il accepta, heureux de pouvoir délivrer son message avant de quitter le village. Après son départ, lorsque ces hommes mesurèrent la moisson rentrée ce jour-là, ils constatèrent avec étonnement qu’elle était beaucoup plus considérable que d’habitude. Une grande crainte s’empara d’eux : l’étranger devait être un saint, cette superbe moisson en était un signe certain. Ils se mirent à sa recherche, mais en vain. L’homme qui avait lancé la pierre, envoya ce récit à un journal du nord de l’Inde, priant le Sadhou, si ces lignes tombaient sous ses yeux, de revenir auprès d’eux.
Un jour, en escaladant une montagne rocheuse, Sundar découvrit dans une grotte un homme en prière ; pour lutter contre le sommeil, il avait attaché ses longs cheveux au rocher de la voûte et, heure après heure, il implorait le pardon de ses péchés, et cherchait la paix de son âme. – Avez-vous trouvé cette paix ? lui demanda Sundar. – Le pauvre Tibétain lui répondit que jusqu’à présent il ne l’avait pas reçue. Alors le Sadhou lui raconta l’histoire de Jésus qui a dit : « Venez à moi et je vous donnerai le repos ». L’homme écoutait attentivement, son âme s’ouvrait à la lumière et il s’écria : – Maintenant j’ai trouvé cette paix ; conduis-moi à lui, je veux être son disciple ! – Sundar l’invita à venir jusqu’à une station missionnaire, afin d’être instruit dans la foi chrétienne et de recevoir la grâce du baptême.
Au cours d’une de ses excursions de l’été 1921, Sundar, épuisé par ses vains efforts à la recherche de ces saints solitaires, perdit tout à coup l’équilibre et tomba d’un rocher à l’entrée d’une large caverne. Quand il fut remis de son étourdissement, il fut saisi de surprise à la vue d’un homme étrange et sans âge qui, sortant de sa profonde méditation, jeta sur lui un regard perçant. A son grand étonnement il se trouvait en face non pas d’un ermite tibétain, mais d’un chrétien, qui l’invita à s’agenouiller et à prier avec lui, terminant sa vivante intercession par le nom de Jésus. Il déploya un volumineux exemplaire des Évangiles en grec, et lut à haute voix quelques versets du Sermon sur la montagne, après quoi il raconta à Sundar son histoire.
Le mont Kailash – D’après un successeur du Sadhou, le Maharishi serait encore en vie et aurait plus de 400 ans.
Il était né à Alexandrie de parents musulmans ; à trente ans il entra dans l’ordre des Dervishs, mais ni l’étude du Coran, ni ses prières ne lui donnèrent la paix. Dans sa détresse intérieure il alla vers un chrétien venu des Indes en Égypte pour y annoncer l’Évangile. Ce saint lui lut cet appel du Christ : « Venez à moi, vous tous qui êtes travaillés et chargés, et vous trouverez le repos de vos âmes. » Ces paroles, les mêmes qui, plus tard, devaient frapper Sundar, l’amenèrent à Christ. Il quitta son monastère, fut baptisé, et partit pour annoncer l’Évangile. Après une longue période de travail missionnaire, arrivé à l’âge de cent ans environ, il se retira du monde, et le Seigneur lui fit connaître qu’il le laisserait encore de nombreuses années en vie afin qu’il intercédât pour les saints de Dieu répandus sur la terre.
C’est dans les montagnes du Kailash qu’il passa sa vie solitaire en méditation et en prière. Dieu lui accorda de grandes révélations et de glorieuses visions apocalyptiques sur l’au-delà. Il acquit une solide connaissance des plantes et de leurs vertus curatives et donna à Sundar, transi de froid, quelques feuilles qui, dès qu’il les eut mangées, le réchauffèrent et le ranimèrent délicieusement.
Le Sadhou visita trois fois le vieil ermite et reçut de lui une inspiration nouvelle pour sa vie intérieure et pour son ministère ; mais il évita toujours d’en parler en public. Il désapprouvait la curiosité provoquée par cette histoire extraordinaire, déplorant plusieurs inexactitudes qui s’étaient répandues. – je ne suis pas appelé à prêcher le Maharishi, dit-il, mais à proclamer Jésus-Christ.
La preuve de l’existence de cet ermite a été confirmée par les membres de la mission des Sannyasis et par un ingénieur américain voyageant dans ces contrées jamais parcourues par les Blancs, et qui, avant de mourir, parla d’un mystérieux ermite chrétien, très âgé, demeurant dans ces montagnes. Des marchands tibétains, eux aussi, racontèrent qu’ils avaient vu un vénérable Rishi vivant non loin des neiges éternelles. Et lorsque nous-mêmes avons entendu le Sadhou, pendant son séjour en Suisse, nous parler de ses visites au Maharishi, nous ne pouvions douter de la véracité de ses récits.
Une fois, raconte un élève du collège théologique de Delhi, alors que j’étais en séjour avec le Sadhou à Béréri, près de Kotgarh, nous vîmes, avant de nous coucher, des lumières se mouvant dans la vallée ; ce devait être sans doute des hommes à la poursuite d’un léopard. Au milieu de la nuit, Sundar se leva et descendit, à l’extérieur de la maison. je fixai la paisible silhouette du Sadhou, lorsque mes regards furent attirés par quelque chose se mouvant à sa droite. Un animal s’avançait vers lui : je reconnus un léopard. Saisi de frayeur, je demeurai immobile, incapable d’appeler. Alors le Sadhou se tourna vers l’animal, puis étendit sa main en un geste silencieux. Comme un chien fidèle, le léopard se coucha non loin de lui et baissa la tête, subjugué par une puissance invisible.
Une autre fois, chassé d’une localité, il s’en fut s’asseoir sur un rocher et là, perdu dans ses réflexions, il n’aperçut pas une grande panthère noire s’approchant en rampant, prête à sauter sur lui. Quand il la vit, le coeur battant, mais plein de confiance en Dieu, il se leva tranquillement et s’éloigna. De retour au village, il raconta son aventure ; elle remplit les villageois d’étonnement : cette panthère avait tué plusieurs des leurs. Ce Sadhou, pensèrent-ils, devait être un très saint homme et, dès ce moment, leur attitude envers lui changea totalement. Ils s’assemblèrent autour de lui, heureux de l’entendre parler de ce Jésus qui est toujours avec ses serviteurs et qui aime tous les hommes. Jamais, dira le Sadhou, une bête féroce ne m’a fait le moindre mal.
Un jour, alors qu’il enseignait dans une ville tibétaine appelée Rasar, Sundar fut fait prisonnier et conduit devant le chef des lamas. Accusé d’avoir enseigné le christianisme, il fut déclaré coupable et condamné à mort. Une des manières de mettre un criminel à mort sans le tuer soi-même, ce qui est contraire à la loi bouddhique, consiste à le jeter dans un puits et à le laisser périr lentement au milieu des ossements et des cadavres putréfiés. Sundar, suivi d’une foule véhémente et avide d’un pareil spectacle, fut conduit au bord d’un puits profond de quarante pieds et entouré d’un mur d’enceinte. Avec une grosse clef, on ouvrit la lourde porte recouvrant l’orifice de la citerne, puis, afin d’ôter au prisonnier toute possibilité de ressortir, on lui cassa brutalement le bras gauche avant de le jeter dans la fosse. Les deux portes, celle du mur d’enceinte et celle du puits, furent soigneusement refermées et le Sadhou fut abandonné dans les ténèbres de cet horrible charnier dont l’odeur nauséabonde était écoeurante. Les heures s’écoulaient lentement.
Pendant trois jours je fus sans manger et sans boire, mon bras me faisait cruellement souffrir, mais au fond de cette prison, je fis l’expérience d’une paix et d’une joie ineffables, et la présence de mon Sauveur changea pour moi cet enfer en le ciel même. je pensais que Dieu allait me reprendre à lui.- Mais le troisième jour Sundar entendit une clef tourner dans la serrure, et une bouffée d’air frais pénétra jusqu’à lui. Une voix lui enjoignait de saisir la corde qui lui était lancée. Puis il se sentit doucement, mais fermement, soulevé et déposé hors du puits. Il faisait nuit, il ne put reconnaître son Sauveur, qu’il prit pour un soldat tibétain venu pour le conduire à un nouveau supplice. Le lourd couvert fut remis en place et refermé avec la grosse clé. Lorsque le Sadhou eut franchi le mur d’enceinte, il ne vit plus personne ; il attendit vainement et réalisa qu’une vie nouvelle l’envahissait, et que la douleur de son bras avait entièrement disparu. Tout ce qu’il put faire fut de rendre grâces à Dieu pour sa miraculeuse délivrance. N’avait-il pas envoyé son ange selon les anciennes promesses de sa Parole ?
Le Sadhou retourna à Rasar et, le jour suivant, recommença à prêcher dans les rues de la ville. Quand les gens virent celui qu’ils croyaient mort, vivant devant eux, ils furent stupéfaits. L’extraordinaire nouvelle fut rapidement rapportée au lama qui pensa qu’un traître avait délivré le condamné. Il fit comparaître Sundar qui raconta ce qui était arrivé. Quelqu’un fut envoyé pour vérifier si le puits était fermé : tout était en parfait état. La clef, la seule qui existât, se trouva comme à l’ordinaire suspendue à la ceinture du lama.
Celui-ci commença à se sentir fort mal à l’aise et demanda à Sundar de lui montrer son bras. Il l’étendit sans difficulté et se souvint qu’au sortir du puits son sauveur avait posé sa main sur lui et qu’il avait été guéri. Le lama lui dit :- Ton Dieu est un Dieu puissant, Il t’a protégé et nous ne voulons pas te faire de mal, mais va-t-en de notre province, de peur que la malédiction ne nous frappe.
Un jour, averti que des gens désiraient entendre son message, il partit à leur recherche. Mais ayant pris une mauvaise direction, il se perdit dans la jungle. Arrivé au bord d’une rivière, il ne put la traverser à cause de la force du courant. La nuit tombait, et dans la forêt toute proche on entendait déjà le réveil des fauves cherchant leur proie. Que pouvait-il faire, seul et désarmé, sinon élever son coeur à Dieu en une ardente prière ? Alors, à travers les dernières lueurs du jour, il distingua de l’autre côté de l’eau, un homme qui lui criait :- je viens à ton secours.- Et plongeant dans la rivière, l’homme nagea rapidement jusqu’à lui, prit Sundar sur son dos et regagna l’autre rive. Là un bon feu était allumé et le Sadhou put y sécher ses vêtements. Soudain son étrange ami disparut, et il se retrouva seul, à l’abri des bêtes sauvages, émerveillé une fois de plus de l’amour et des soins de son Dieu.
Chassé d’un endroit où il avait en vain essayé de prêcher l’Évangile, il trouva un refuge dans une caverne ; torturé par la faim et la soif, il demandait à Dieu son secours, lorsqu’il trouva près de là quelques feuilles qui lui parurent la plus délicieuse nourriture qu’il eût jamais goûtée, et qui lui rendirent ses forces. Peu après il vit une troupe, armée de pierres et de bâtons, s’approcher de sa retraite.
Se recueillant, il pria :- Que ta volonté se fasse, je remets mon esprit entre tes mains.- Bientôt le silence se fit autour de lui, il rouvrit les yeux et vit la foule s’éloigner. Qu’était-il arrivé ?… Il se coucha et s’endormit. Le lendemain, la même foule de 50 à 60 personnes réapparut, mais cette fois-ci sans bâtons ni pierres il était cependant certain qu’on voulait le tuer.- je suis heureux de donner ma vie pour mon Sauveur, me voici, faites de moi ce que vous voulez.- Un homme s’avança et prit la parole :- Nous venions pour te tuer hier soir, mais aujourd’hui nous sommes là pour te poser une question.
Nous avons déjà vu des hommes de bien des pays, Chinois, Hindous, Européens ; nous les distinguons tous, mais nous ne connaissons pas d’hommes pareils à ceux qui entouraient ta retraite. Nous voudrions savoir de quel pays ils sont. Jamais nous n’avons vu des gens aussi merveilleux ! Ils encerclaient ta caverne et ne touchaient pas le sol, aussi n’avons-nous plus eu le courage de t’abattre.- Alors le Sadhou comprit que Dieu avait envoyé ses anges pour le protéger. Lui ne les avait pas vus, mais ils avaient été visibles aux yeux de cette foule. Ces hommes invitèrent Sundar à revenir chez eux et le prièrent de les instruire de ce qui concernait son Dieu, et plusieurs furent amenés à la connaissance de Christ.
En 1918 il élargit son champ d’action en partant pour la Birmanie, Singapour, la Chine et le Japon. Il se rendit deux fois en Occident : en 1920, il visita la Grande-Bretagne, Les États-Unis ainsi que l’Australie. En 1922, il vint de nouveau en Europe (Grande-Bretagne, France, Suisse). Dans tous ces pays, il tint des conférences d’évangélisation dans des églises de traditions différentes. Il se rendit aussi en Terre sainte. Revêtu de pauvreté et d’humilité, le Sadhou Sundar Singh partageait au fil de ses voyages l’immense richesse de sa vie intérieure et de sa communion avec Dieu. Il enseignait, encourageait, fortifiait ses auditoires, avec une sagesse toute inspirée de son Maître, et riche en expériences personnelles extraordinaires.
A quelle Eglise appartenez-vous ? lui demandait-on souvent.- A aucune, j’appartiens à Christ, cela me suffit, et dans un sens, je suis de toutes les Eglises où se trouvent de vrais chrétiens. je ne crois pas aux unions obtenues par des moyens humains; l’union extérieure n’est d’aucune utilité.
Ceux-là seuls qui sont unis en Christ, qui sont un en lui, seront unis dans le ciel. Comment les chrétiens qui ne peuvent vivre en bonne harmonie durant les courtes années de leur vie terrestre, pourraient-ils passer toute l’éternité ensemble dans le ciel ?
Lorsque je vis pour la première fois le Sadhou, à son arrivée dans le salon de Chailly, je fus saisie par son extraordinaire rayonnement. Sa belle physionomie, son maintien calme et digne, la paix profonde de son regard laissant deviner la pureté de son âme, son humble simplicité, son amour rayonnant faisaient penser au Maître qu’il servait. Les paroles de l’apôtre s’imposèrent aussitôt à mon esprit : « Ce n’est plus moi qui vis, c’est Christ qui vit en moi ». Il n’était pas nécessaire de les entendre de ses lèvres, car tout en lui rappelait l’image de Celui avec lequel il vivait dans une constante intimité.
En Angleterre, allant rendre visite à une dame, le Sadhou sonne à la porte et donne son nom à la servante qui vient lui ouvrir. La jeune fille le regarde avec étonnement, puis, courant vers sa maîtresse : « Quelqu’un désire vous voir, Madame, je n’ai pas compris son nom, mais il est pareil à Jésus-Christ ! »
En Amérique, au cours d’une réunion, une fillette de 4 ans, assise au premier banc, ne peut détacher ses yeux de ce mystérieux personnage à la longue robe safran. Et quand il a fini de parler, de sa voix claire, la petite fille demande à sa mère : « Est-ce Jésus ? ». Pour nous cette impression du premier moment ne s’effaça pas.
Le Sadhou était alors au faîte de sa popularité, et ici se place l’expérience suivante : un jour qu’il s’en était allé dans la jungle pour prier, un personnage plein de dévotion s’approcha de lui :- Pardonnez-moi de troubler votre solitude et d’interrompre vos prières, mais n’est-ce pas un devoir de chercher le bien des autres ? Votre vie pure et votre renoncement m’ont profondément impressionné ainsi que beaucoup de ceux qui cherchent Dieu. Bien que vous soyez consacré corps et âme au bien des autres, vous n’avez pas été suffisamment récompensé. je veux dire ceci : En devenant chrétien, votre influence s’est étendue à des centaines de gens, mais elle reste limitée. Ne serait-ce pas mieux pour vous de devenir un « leader » du peuple hindou ou musulman ? Si vous y consentiez, vous verriez bientôt des millions vous suivre et vous adorer comme leur Gourou.- Quand le Sadhou entendit ces paroles, il répliqua aussitôt :- « Arrière de moi, Satan », je sais que tu es un loup habillé en mouton ; tu désires que je renonce a suivre l’étroit chemin de la vie, qui est celui de la Croix, pour prendre la route large qui mène à la mort. Ma récompense est le Seigneur lui-même qui a donné sa vie pour moi, et c’est mon bonheur et mon devoir que de me livrer à lui avec tout ce que je possède. Retire-toi de moi, je n’ai rien à faire avec toi !
Sundar pleura beaucoup et pria. Sa prière terminée, il vit debout devant lui un être glorieux ; les larmes troublaient la vision du Sadhou, mais un fleuve d’amour envahit son âme.
Il y aurait beaucoup d’autres choses extraordinaires à raconter sur cet homme très particulier. Nous n’avons pas abordé le fait qu’il est vu beaucoup de miracles de guérison se manifester dans son pélerinage. La Shadou est disparu sans qu’on le retrouve en 1929 à l’âge de 39 ans.
Source : Extrait du Livre d’Alice VAN BERCHEM : LE SADHOU SUNDAR SINGH, Un témoin du Christ.
Wikipédia.
Retranscription : EZ37M